Le week-end du 11 mai, une vingtaine des personnes, dont deux tiers de personnes sans domicile soutenues par la maraude du Secours populaire, sont devenues de vraies aventurières pendant deux jours hors pair. Au programme, notre déjà légendaire prouesse maritime sur un vieux gréement, un séjour d’exception dans un gîte où les repas conviviaux et la musique ont rempli les âmes, des falaises et des fraiches baignades dans la mer normande.
L’objectif de ces petites vacances : prendre un bol d’air frais pour un oublier quotidien pas facile à vivre et, de notre part, créer une confiance solide avec ces personnes pour mieux pouvoir aider à leur réinsertion.
Samedi matin, lors du départ de Paris, le temps n’est pas trop clément. Toutefois, une belle surprise nous attend à mi-chemin et voilà un grand soleil rien que pour nous ! « Je crois qu’en écoutant la météo il n’y avait qu’à Dieppe où il faisait beau dans tout l’Hexagone ! », dit Vincent Armand, responsable de la maraude.
Première escale du périple : Fécamp, ville portuaire déjà remarquée par Victor Hugo en 1835 pour la splendeur de sa lune, les chants de ses matelots, son clocher ou ses collines :
« J’oubliais de te dire qu’à Fécamp, j’avais vu la pleine mer par la pleine lune. Magnifique spectacle. […] Devant moi le ciel et la mer perdus et mêlés dans un clair de lune immense, à droite le fanal du port à lumière fixe, à gauche les grands blocs d’ombre d’une falaise écroulée. J’étais sur un échafaudage du môle qui tremblait à chaque coup de lame. »
Nous-mêmes devenons ces marins pendant quelques heures sur un vieux navire des années soixante où nous hissons les voiles et pêchons, menés par un capitaine qui nous explique toutes les manœuvres nécessaires. Le balancement produit par une mer calme et un vent doux nous accompagne, avec derrière nous les falaises de la Côte d’Albâtre, aussi rude que magnifique. « C’est très enchanteur, ça ravit tout le monde. »
Après l’effort, la récompense ne se fait pas attendre. Nous disposons d’un temps précieux de détente rien que pour nous. Nous l’avons tout de même bien mérité. Nous en profitons pour nous reposer, nous oxygéner, nous changer les idées, nous balader tout simplement ou boire un verre en terrasse. L’idée c’est de changer de tempo dans cet environnement différent et dépaysant. Nous essayons d’avoir un rythme apaisant plutôt que de multiplier les activités.
30 kilomètres plus tard nous arrivons à notre destination finale, Saint-Valery-en-Caux, une petite ville de 4000 habitants où nous aurons vraiment l’occasion de nous déconnecter du monde. Arrivés au gîte qui nous accueille, nous nous disposons à préparer ensemble notre grand repas du soir. Au menu, un succulent couscous qui va faire nos délices pendant deux heures, juste avant de commencer notre déjà traditionnelle soirée dansante, qui se prolonge jusqu’à deux heures du matin jusqu’à l’épuisement de nos forces !
Après une nuit, pas comme les autres pour la plupart d’entre nous, nous nous levons de bon matin pour visiter les pêcheurs qui vendent au petit port de la ville leurs poissons capturés la veille. Nous allons à la plage une dernière fois pour admirer la mer, nous balader sur la grève et nous baigner dans l’eau bien fraîche de l’océan. Ah ! Si nous pouvions y rester pour toujours… ! Mais les vacances atteignent leur fin et hélas, il est temps de rentrer.
Pendant ce séjour, ces personnes qui sont à la rue et qui, même appartenant à un groupe, souffrent souvent d’une très grande solitude, peuvent se retrouver et vivre en communauté. Comme l’explique Vincent, ils se retrouvent dans une autre dimension géographique où il n’y a pas cette hiérarchie qui existe normalement dans le contexte de la maraude régulière, où il y a le maraudeur et la personne à la rue qui reçoit l’aide. Ici s’opère un nivellement où on devient des camarades ; il y a beaucoup de cordialité. Il faut conserver un peu cette distance qui est nécessaire, mais il y a beaucoup de moments très chaleureux. Une complicité s’établit ainsi qu’une compréhension plus profonde de la part de tous.
« C’est important parce que quand-même ça raffermit les liens entre le public et nous-mêmes, ça c’est indéniable, et parce que ce raffermissement des liens peut emmener quand-même à ce qu’il y ait l’émergence d’une demande qui pourra nous être exposée de leur part et à ce moment-là nous essayerons d’y répondre. »
On revient à Paris, les esprits chargés de bonnes ondes grâce à ce petit rituel que nous avons créé ces dernières années. Néanmoins, pour l’avenir se demande s’il serait intéressant de proposer d’autres activités ou, peut-être, prolonger un peu la durée de ces vacances, comme dans les « séjours de rupture » proposés par d’autres associations d’aide aux personnes sans-abri : une occasion pour travailler plus en profondeur différents aspects avec nos amis, s’apaiser pour ensuite réfléchir et se projeter.
Grâce à la collaboration de nos donateurs nous sommes en mesure d’offrir un instant de bonheur à toutes ces personnes que nous accompagnons, mais qui aussi nous accompagnent et nous apportent énormément de choses, tout au long de l’année dans les rues de Paris… et qui sait, peut-être que le vent marin peut nous surprendre et nous apporter un meilleur avenir !