« Le projet Re.Works a une particularité qui le distingue des actions habituelles des ONG. Il s'agit ici d'impliquer les réfugiés eux-mêmes, d'en faire des acteurs et des décideurs. Pas seulement de leur apporter une aide toute faite, pas toujours adaptée parce qu'il n'y ont pas leur mot à dire. A Re.works ont fait appel à leur expertise, à leur expérience... »
Un conteneur en bordure d’un camp. Surchauffé l’été, glacial l’hiver. Pas vraiment un lieu accueillant. Pourtant, quand on y regarde bien, c’est dans cette boîte de métal sans fenêtres que se retrouvent des réfugié(e)s pour n’être plus, l’espace de quelques minutes ou de quelques heures, «seulement» des réfugiés.
Curieuse boîte de métal qui sert à fabriquer des objets de plastique et surtout à créer un espace de Liberté pour des réfugiés menacés de se retrouver enfermés toutes les nuits à l'intérieur d'un mur de 4 mètres de haut que construit le gouvernement grec autour du Camp de Katsikas.
Le Camp de Katsikas, installé aux portes des Balkans dans la région de l'Epire, compte quelque 600 à 1 000 réfugiés. Souvent désoeuvrés, dans l'attente, d'une aide, d'un avenir.
Mais ce n'est qu'une partie de la réalité. Certains se sont engagés dans le projet Habibi.Works : des ateliers de cuisine communautaire, de couture et de création, de bois et métal, un MediaLab, un atelier de réparation de bicyclettes, une bibliothèque, un gymnase ou un jardin communautaire.
Et au sein d'Habibi.Works, un projet baptisé Re.Works. C'est pour lui que des réfugiés et demandeurs d'asile ramassent le plastique qui traîne dans et hors le camp. Pour le ramener vers ce conteneur mis en place par l'ONG grecque Second Tree et l'allemande Soup and Socks, avec le soutien du Secours Pop Paris. C'est le projet de Re.Works : recycler le plastique pour recréer des objets nécessaires « avec et pour » les réfugiés. Des réfugiés qui entendent prendre leurs vies entre leurs mains malgré les difficultés rencontrées.
Le projet Re.Works a une particularité qui le distingue des actions habituelles des ONG. Il s'agit ici d'impliquer les réfugiés eux-mêmes, d'en faire des acteurs et des décideurs. Pas seulement de leur apporter une aide toute faite, pas toujours adaptée parce qu'il n'y ont pas leur mot à dire. A Re.works ont fait appel à leur expertise, à leur expérience. Dans ce conteneur, ils retrouvent une capacité d'agir sur leur vie, reprennent confiance en eux et développent leurs savoir-faire.
Et tout cela part de bout de plastique, des bouchons de bouteilles, des barquettes qui ont servi à distribuer les repas dans le camp, des sachets, qui sont rassemblés dans des points de collecte, soigneusement nettoyés avant de redevenir des objets, utilitaires ou décoratifs, mais toujours incroyables.
La transformation a lieu précisément dans ce conteneur où ont été installées des machines capables de transformer ces déchets plastiques en granulés de plastique. Ces machines, financées avec l'aide du Secours populaire de Paris, transforment les déchets en matière première. Une matière première dont s'empare les résidents du camps pour fabriquer des objets dont ils ont besoin : des tabourets, des vêtements, des paniers, des bols, des mousquetons, mais aussi, et ce n'est pas qu'un supplément d'âme : des bijoux, portés fièrement tant leurs valeurs ne résident pas dans leur matériau de base mais dans l'engagement mis par ses créateurs(trices) !
Toutes celles et ceux qui viennent jusqu'au conteneur de Re.works peuvent ainsi participer aux différentes étapes du recyclage. Ils et elles nettoient, déchiquètent, transforment, fondent et moulent les nouveaux produits fabriqués.
Après tout, tout le monde est concerné par les questions de la pollution plastique, d'environnement et de recyclage. Tout le monde peut aussi avoir besoin de se reconstruire. On est dans le concret : ramassage de déchets et transformation de ceux-ci en objets utiles. Des objets qui facilitent et embellissent la vie. Il suffit de se balader dans le camp de Katsikas et de jeter un œil dans les conteneurs qui servent d'habitation. Des espaces souvent petits et impersonnels. Pourtant on reconnaît ici ou là, un tabouret plastique placé sous un meuble, un tissu en plastique imperméable, des objets de décorations découpés au laser sur des feuilles plastiques. Autant de signes d'appropriation d'un espace pour en faire un «chez-soi» que l'on espère malgré tout le plus provisoire possible. Avec ses plastiques recyclés, l'équipe de Re.Works a même développé des espaces publics telle qu'une station de bus pour les « habitants et habitantes » du camp.
Il reste encore beaucoup à faire. L'idéal serait de faire de cette boîte de métal un lieu de rencontre avec les habitants de la région. Mais ce n'est pas facile. Il y a de l'incompréhension, de la méconnaissance de l'autre, parfois de l'hostilité. Mais en impliquant les associations locales, les organismes publics, un musée, une école où vont des enfants de réfugiés, des rencontres se font tout doucement. Et les rencontres, ça peut faire tomber des murs, même de 4 mètres de haut.
par Christian Decroix