Le départ était très attendu. « Oh, certains, comme Christophe, m’en parle depuis février dernier : ''Tu ne m’oublies pas ? Je veux voir la mer, hein.'' Ce petit saut sur la côte est très important pour eux », sourit Clarisse Clozier, bénévole au Secours populaire français, qui arpente tout au long de l’année les rues de Paris à la rencontre des personnes privées de logement, livrées à la précarité et aux dangers les plus divers.
Arrivés dans le petit port « très sympathique » de Saint-Valery-en-Caux (Seine-Maritime), les 10 maraudeurs et les 11 personnes sans logis étaient logés dans un Gîte de France très spacieux. « Nos invités ont pu prendre leurs aises, ne pas être confinés, pour une fois. Une chambre, un lit, c’est un luxe pour eux », continue Clarisse.
À la découverte de la mer
Le programme était fourni. Grâce à l’Office de Tourisme de Fécamp, toute l’équipe a fait une balade en mer sur un vieux gréement, le Tante Fine, un ancien langoustier. « Tout le monde a hissé la grande voile. C’est 400 kilos, donc de la cohésion est nécessaire : tout seul, c’est impossible ; à plusieurs, on y arrive », analyse joyeusement la cheville ouvrière de la maraude du SPF. Certains, comme Younès et Ahmed, ont profité du mouvement imprimé par les vagues les plus fortes, d’autres ont préféré observer les nichées d’oiseaux dans les hautes falaises calcaires. Un instant de sérénité, mouillé par les embruns.
De retour au gîte, c’était temps libre avec, au choix matchs, de ping-pong ou promenade en ville pour découvrir ses petites maisons à colombage et aux toits en tuiles. Une partie des hôtes a préparé le repas, un moment privilégié d’échanges, autour d’une assiette de fruits de mer et de poires belle-hellène faites maison, agrémentées d’amandes torréfiées « spécialement pour eux ». « Tous ces produits frais, fins, ils n’en revenaient pas, détaille Clarisse. C’était une manière de leur montrer qu’ils sont précieux. »
"Casser la routine de la rue"
La veillée s’est déroulée au son de la guitare de Gordon, qui vit dans la rue. Quelques chansons, des airs de jazz, et puis Mélanie, une bénévole, s’est mise à chanter. « On les écoutait. C’était fabuleux. » Le lendemain, dimanche, bain de mer pour tout le monde. Les SDF qui étaient déjà venus ont montré aux nouveaux le chemin qui monte jusqu’en haut de la falaise, afin de leur faire découvrir le panorama, avec vue sur la plage, la mer, la ville.
Pour ces personnes très fragiles, isolées, la réinsertion sociale est un travail de longue haleine. Tout au long de l'année, les maraudeurs du SPF vont à leur rencontre. Les rencontres faites durant ces week-ends de bord de mer permet de sceller une relation de confiance entre personnes à la rue et bénévoles. C’est souvent la première étape vers un accompagnement plus complet, qui comprend l’aide à des formalités administratives et des démarches d'insertion (domiciliation administrative, accès à la couverture médicale, etc.).
« Le pire, c’est la routine de la rue : toujours les mêmes lieux, les mêmes gens, la même manière de se juger, récapitule Clarisse. Un tel week-end permet de la casser et de retrouver un mouvement. »